PLATJA D'ARO 2013 - Témoignage d'Alain Bonnet


J’ai de temps à autre, dans des circonstances très particulières, une bouffée de nostalgie qui remonte avec une larme discrète. Mais quand je plonge dans le vertigineux passé, c’est surtout pour mesurer le temps écoulé et m’observer sans me faire voir de moi, pour me surprendre, un livre de Jules Verne ou Les pieds nickelés à la main, ou accroupi attentif auprès d’une fourmilière grouillante, ou cherchant à imaginer si Lydia ma jolie petite voisine avait, elle, un duvet naissant, et je fais un saut en arrière, effrayé du demi-siècle largement dévoré.


Cette assemblée annuelle des anciens, où les bleus d’alors sont eux aussi des anciens maintenant, vient à point nommé pour dissiper le doute : nous avons bien été internes à Cap Matifou, nous tous qui étions de nouveau réunis à Platja d’Aro en ce début de juin, pince moi pour voir si je ne rêve pas ! Une fois admise cette évidence à peine camouflée par des cheveux plus blancs et moins denses (pour presque tous en tous cas), par des bedaines plus ou moins arrondies, par des démarches plus ou moins gauches, nous admettons enfin, entre hébétude et incrédulité, que si le contenu de nos têtes n’a guère changé en tant de temps, notre physique, (Dieu que nous étions beaux à 17 ans !) notre physique s’est quelque peu, disons, déglingué. Et j’évite de parler de choses gênantes, de santé défaillante, de rhumatismes, de goutte, de prostate qu’il faut se faire tâter à tâtons… Ça y est : j’en parle quand même !


Plus brièvement, quelle réussite cette assemblée ! Un vrai magicien notre Antoine Palomar, qui au prix de ces propres efforts nous sert sur un plateau d’argent un fin de semaine mémorable. Je n’oublie pas bien sûr les membres dévoués du bureau qui l’aident pour que tout se déroule parfaitement, et même tous les autres dont la participation année après année assure le succès de la réunion.


« T’as vu Hollande ? dit celui-ci.
--- Et Cahuzac ? dit celui-là.
Ah non, ah non ! Pas de politique !


Alors, pendant trois jours, seuls les bons souvenirs sont admis à la table, à l’apéro, au café ou à la soirée dansante. Trop heureux de laisser le train-train de la routine habituelle à la maison, de troquer les maux courants par des mots plus drôles, d’entendre des blagues détendues, les anciennes histoires de potaches, nos trajectoires respectives, l’exode… la guerre… On se raconte nos histoires de famille, nos obligations de grands-parents, on compare nos expériences. Il faut parfois se mettre à plusieurs pour vérifier un souvenir trop lointain…


D’une année sur l’autre, certains n’ont pu revenir, mais d’autres ont pris leur place, revus avec une vraie jubilation. L’on regrette les absents de dernières minutes, retenus pour des motifs sans doute trop graves, sinon comment expliquer leur absence ? Ce sera sans nul doute pour l’an prochain, et nous les reverrons avec joie, comme nous avons revu avec joie ceux qui ont pu faire le voyage cette année aussi.


Merci encore, Antoine. Merci pour ton sourire permanent, pour ton dévouement, pour ta patience pérenne, pour maintenir entre nous cette cohésion qui perdure, et qui perdurera encore, je l’espère, de nombreuses années. Merci à tous ceux qui collaborent avec toi avec le même entrain et la même foi.


À l’année prochaine donc !


Alain Bonet